La fontaine des Innocents

Publié le par olivier odinot

Cette fontaine n'avait autrefois que 3 côtés, et était adossée à l'angle de la rue Saint-Denis et de la rue au Fers. Sa première construction datait du XIII ème siècle; En 1550 elle fut réparée : les travaux d'architecture en furent alors confiés à Pierre Lescot, abbé de Clagny, et les sculptures à notre célèbre Jean Goujon, tué le jour de la Saint-Barthélémy.
Dans le mois de mars 1788, sur la proposition d'un ingénieur nommé Six, toutes les parties de son monument dignes d'être conservées furent transportées au milieu du marché des Innocents, qu'on commençait à établir, et la fontaine fut réédifiée d'après un plan nouveau. Comme il fallait l'agrandir et lui donner quatre faces pour pouvoir l'isoler au centre d'une place carrée, on fut obligé de compléter l'architecture. Jean Goujon avait sculpté cinq Naïades, on eut soin de les laisser entre les pilastres des arcades, où les artistes admirent encore ces figures d'un caractère si naïf et si gracieux ; mais cinq naïades ne suffisaient plus : la régularité en exigeait huit. Pajou fut chargé d'en sculpter trois nouvelles : l'une d'elle est placée sur la face occidentale, et les deux autres sur la face méridionale.
L'effet de cette fontaine, avec ses cascades scintillantes au soleil d'été, ou glacées et immobiles comme un marbre blanc en hiver, est très remarquable : Les bruits de voix et l'activité du marché sont d'un singulier contraste qui n'a cependant rien de désagréable, l'emplacement étant assez vaste pour que l'industrie puisse bourdonner à l'aise et travailler à sa ruche sans nuire à la contemplation de l'art. 
Pendant toute la nuit, des voitures chargées de légumes, d’œufs, de beurre, sortent à la file de la rue saint-honoré, viennent emplir les galeries de bois ; et dès le lever du jour accourent en foule, pour faire leurs provisions, des revendeuses, des fruitières, des femmes de ménages et des domestiques de tous les quartiers de la capitale.
C’était un tout autre spectacle au Moyen Age, ces lieux où règne aujourd’hui tant d’activité, où la consommation de Paris paie un si riche tribut au commerce, offraient un aspect étrange.
Ce marché était un hideux cimetière : au milieu s’élevait en forme d’obélisque une lanterne de pierre qui, toute la nuit, éclairait les fosses.
On y voyait errer à leur gré, les hommes, les animaux.
Depuis le règne de Philippe Auguste, on avait construit à de longs intervalles  une enceinte de pierre qui ne fut achevée que très tard. Une partie en avait été bâtie aux frais du maréchal Boucicaut, une autre partie aux frais de ce fameux physicien, Nicolas Flamel, qui de son vivant était réputé sorcier.
Cette enceinte formait une galerie voûtée qu’on appela les charniers, et où étaient enterrés les morts privilégiés.
Les Parisiens s’empressaient  alors sous ces voûtes tristes et humides comme aujourd’hui dans les plus brillants passages. Ils marchaient sur des tombes. Des deux côtés, ils étaient harcelés par des offres de service des modistes, des lingères, des mercières, des écrivains, qui avaient des frais de loyer très élevées pour le temps à faire supporter aux pratiques. On avait dressé en un certain endroit un échafaudage où montaient des prédicateurs pour haranguer les passants. Dans la partie de la galerie située du côté de la rue de la Ferronnerie, il y  avait une peinture de la danse macabre ou danse des morts, dont un roman du bibliophile Jacob (M. Paul Lacroix) a fait dernièrement connaître les détails les plus intéressants.
Auprès du cimetière était l’église des innocents ; l’histoire rapporte qu’elle avait été fondée à l’occasion d’un assassinat, et que plusieurs fois elle fut interdite pour cause de crime.
Un grand tableau de Pierre Corneille élevé sur l’autel représentait le massacre des innocents.
Sur le bas-côté qui régnait le long du cimetière, dans l’intérieur de la nef, une petite lucarne obscure à grillages de fer laissait entrevoir la figure pâle, maigre et égarée de la recluse. C’était une femme qui s’était condamnée par jugement à finir ses jours dans une loge de quelques pieds, murée de toutes parts, et qui ne recevait que par cette fenêtre l’air et la lumière obscure de la ville.
On compte deux recluses volontaires du Xvème siècle enfermée en cette endroit : Jeanne la Vodrière, et Alix la Burgotte ; et une recluse condamné par  le parlement, Reine de Vendomois, femme libertine et voleuse, qui avait fait assassiner son mari, seigneur de Souldai.
L’église, le cimetière, les charniers, tout fut détruit à la fin du dernier cercle.
Un arrêt du conseil d’état rendu le 9 novembre 1785, ordonna que le cimetière soit converti en marché.
On a calculé qu’en sept siècles seulement il a dû être enfoui dans cet étroit espace un millions deux cent mille cadavres. Depuis longtemps les habitants des rues voisines se plaignaient de l’odeur pestilentielle qui s’exhalait de ces amas de squelettes et de chairs putréfiées ; plusieurs marchands, en ouvrant leur caves, avaient vu des cadavres éboulés sur leur tonneaux.
Depuis 1785 jusqu’en 1809, des fouilles successives firent découvrir un grand nombre de couches de cercueils à demi pourris, de crânes et d’ossements. La plupart de ces dépouilles funèbres ont été déposé aux catacombes.
S’il reste encore quelques débris de ces sépultures sous le marché ; ce ne peut être qu’à de grandes profondeurs.
Il semble toutefois que ce lieu doive toujours conserver quelques signes  de sa première destination. 
A peu de distance de la fontaine, à l’Ouest, du côté de la Halle aux draps,  dans l’intérieur du marché, sont toujours les tombes récentes de quelques-uns uns  des citoyens tués en combattant pendant la révolution de juillet 1830.






Publié dans histoires fantastiques

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